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Booster le cerveau de l’enfant : la planification des tâches

Muscler le cerveau de son enfant, afin de lui donner les meilleures chances de réussir. Le rêve de tout parent, le cauchemar de quelques bien-pensants.

Quoi qu’il en soit, notre cerveau fonctionne comme un muscle, et nous pouvons l’optimiser quotidiennement, quelque soit notre âge.

Pour l’enfant, et avec un cerveau en constant développement, certaines fonctions exécutives peuvent êtres renforcées. Être attentif, récupérer une information en mémoire, etc., sont autant de fonctions que nous pouvons entrainer à la manière d’un sportif. Bon, évitez le claquage tout de même, et ne sur-entrainez pas votre enfant ou vous-même. Les temps de repos tel que le sommeil sont les plus propices – comme nos muscles et leurs fibres – pour renforcer les réseaux neuronaux.

Alors aujourd’hui abordons une de ces fonctionnalités 2.0 de l’enfant : la planification !

Planifiez le développement de votre enfant !

Bien sur que je déconne. Soyez souples comme un roseau chinois, car on ne va pas planifier le développement cérébral de l’enfant, mais plutôt l’entrainer à savoir planifier les taches du quotidien.

Alors, cette planification des tâches, c’est quoi ?
Pour faire simple, la capacité à planifier est une habilité cognitive supérieure qui vous permet de segmenter une séquence d’actions vous permettant d’atteindre un but. Un exemple ? Oui, vous habiller nécessite de planifier votre déplacement devant l’armoire et prendre vos habits, donc choisir les couleurs, et ensuite les enfiler dans un ordre prédéfini.

Vous comprenez mieux pourquoi les jeunes enfants font n’importe quoi en s’habillant ? Ce n’est pas forcément pour faire le con ou se déguiser en Super-Fumanchu-Héros que votre bambin met son caleçon par dessus son pantalon.
Il découvre seulement à la fin de son action qu’il a tout fait dans le désordre. Tout simplement ! Car sa capacité a planifier les tâches n’est pas encore mature.

Donc vous voulez que votre enfant soit un jour autonome ? Alors il devra obligatoirement passer par une planification de tâche pour réussir dans son quotidien, et dans une dimension plus large dans sa vie.

Que vous le vouliez ou non, faudra que l’enfant apprenne à muscler son cerveau…!

Yeaaah papa

Le jeu « Alacon » du Psy

Non, le jeu ne s’appelle pas ALACON, il est juste à la con.
Faites le Robot.
Non, je ne déconne pas, faites le robot avec votre enfant.

Oui, vous voulez plus de précisions.

Et bien, vous êtes un robot. Votre enfant vous dirige. Je joue à ça avec mon fils : je l’installe sur l’ilot, et il doit diriger « Robot-Papa » pour préparer le petit déjeuner. Alors bien sur, je suis un robot super-mega-con. Il faut jouer à effectuer toutes ses requêtes au pied de la lettre. Déjà parce que c’est rigolo, et d’autre part car cela va le forcer à planifier des actions, à developper sa précision lexicale et vocabularistique (j’écris comme je veux).

Alors pour être concret, voici un exemple d‘échanges entre lui et moi (vous ne me verrez plus jamais de la même façon) :

Papa : « Je-suis-robot-papa-donnez-instructions »
Mon fils : « Fait le petit déjeuner ! »

Note : oui, vous verrez, les enfants adoptent rapidement un ton autoritaire vis-à-vis du robot-parent. Les I.A. du futur vont en prendre plein la gueule par les futures générations.

Papa : « Moi avoir besoin de précision, que dois-je faire exactement ? »
Mon fils : « Prends les tasses ! »
Papa : « Combien de tasses dois-je prendre Monsieur Chef ? »

Note : Pensez à adopter un langage robotisé dans sa forme, mais avec un bon vocabulaire, cela lui permettra d’apprendre des mots et des formes lexicales nouvelles et/ou différentes.

Mon fils : « deux ! Et maintenant met la capsule dans le café ! »
Et pour l’exemple, là vous ne faites rien. Car votre cerveau est bien cablé et il sait inférer que « mettre la capsule dans le café » équivaut à vous faire un café, ok, nous sommes d’accord.

Mais la réalité est autrement plus complexe, jugez plutôt : mettre la tasse sous le verseur / ouvrir la trape à capsule / mettre la capsule / refermer la trape / appuyer sur le bouton pour préchauffage / attendre que la led soit allumée et non clignotante / appuyer sur le bouton / attendre que le café coule.

Bien sur, nous adultes, ne pensons plus à toutes ces tâches. Mais l’enfant, lui ? Ne vous a t’il jamais surpris par ses remarques ou observations ? Les enfants voient les choses par leurs yeux d’enfants, et indubitablement ne voient, ne traitent pas les mêmes informations que nous, et c’est merveilleux.

Mais pour pouvoir oublier toutes les étapes de préparation d’un café et le faire de manière automatique en parlant à sa moitié, il faut bien l’apprendre un jour.
Cela se fait généralement par l’observation, et pas la peine de parler de café pendant 3 jours, soit. Mais c’est un exemple chers ami(e)s.

C’est également pour « conscientiser » certains processus à votre enfant, qui vont lui permettre de raisonner sur des choses que beaucoup ne savent pas voir. On fait les choses automatiquement, sans y penser, et heureusement que nous avons cette capacité sinon, nous serions condamner à être mono-tâche.
Mais entrainer cette capacité, et ce type de traitement de l’information permet par la suite de pouvoir transfer cette capacité sur d’autres actions.
Oui votre enfant est merveilleux, mais il l’est car c’est son cerveau qui le rend ainsi, ne l’oubliez pas.

Les tâches deviennent de plus en plus complexes en grandissant

Expérience personnelle

Avec ce jeu ALACON, mon fils a alors réalisé que préparer le petit déjeuner était composé d’une foule de petites choses à faire. Alors tant que c’est ludique, tout va bien. Mais n’espérez pas non plus que votre petit prince vous prépare un plateau déjeuner au lit pour le lendemain.

On a pas parlé de manipulation psychologie à visée d’asservissement infantile. Faut pas déconner, et j’ai pas envie d’avoir de problèmes.

Allez au bout du Game, faite le jeu et amusez vous. Si le petit chef ou la princesse du quartier vous demande de verser du jus d’orange alors que vous n’avez pas pris le verre, versez sur le plan de travail. Jouez le vrai ! Bon, je n’ai pas dit de verser en attendant un « Stop ! » de la part votre enfant, car l’aspect déconnade va l’emporter sur l’aspect nettoyage, croyez-moi.

Oui toi là bas, si tu es maniaque, ce jeu n’est pas fait pour toi. Passe me voir 3 ou 4 séances avant.

Mais si vous y allez vraiment, vous allez rire, créer des souvenirs, et développer beaucoup de choses avec votre enfant.

Pour aller plus loin

Voici d’autres contextes pour faire le jeu du Robot-Parent :

– Lorsque vous jouez à un jeu de construction ;
– Sur une tâche créative, comme le dessin/peinture (pinceaux à tremper, quantité d’eau, etc) ;
– Quand vous lancez une machine à laver ;
– Le matin pour vous habiller (pas lui, vous !) ;
– Au moment de la préparation des repas ;

Toute action dans la maison ou du quotidien peut devenir ludique si vous la partagez assez tôt avec l’enfant.
Et plus tard, lorsque les taches deviendront des obligations du quotidien, ce sera – on l’espère – plus facile à appréhender pour eux car toujours abordé de manière ludique. Bébé sera devenu un enfant qui sait se muscler le cerveau et les méninges.

Si votre enfant n’a jamais touché une machine à laver avant ses 18 ans, bon chance pour le lui faire faire de temps en temps. J’ai bien dit « bon chance », oui.

Pour ne pas aller plus loin

Évitez de pratiquer ce jeu en voiture, les enfants ont tendance à tester les limites de la réalité.

Oui, et au delà de la réalité, il y a la mort. C’est pas cool, moi non plus je suis pas fan mais c’est comme ça.
Alors déconnez pas et dites que robot-papa ne sait pas conduire.

Au moins ça fera rire Maman.

Évitez aussi de pratiquer ce jeu devant les devoirs ou en cas d’urgence absolue comme avant de prendre un avion pour vos seules vacances annuelles. Votre moitié pourrait rapidement vous péter une durite devant tant d’immaturité-car-tu-comprends-ma-mère-avait-raison-il-a-jamais-grandi-c’est-toujours-un-enfant-blah-blah.

Réfléchir pour aller loin

Processus cognitifs avancés

Et pour celles et ceux qui veulent comprendre encore un peu plus, sans complexifier les choses, on est pas là pour ça vous le savez, voici quelques explications sur ces processus de planification.

Le processus de planification cognitive des tâches est autant fantastique qu’il est complexe, sans que l’on s’en rende compte. Oui, on va pas muscler le cerveau de l’enfant comme un bodybuilder à la salle de sport. Imaginez un peu : pour atteindre un but, nous devons nous le représenter : nous habiller, faire un café, nous garer, remplir un dossier d’inscription pour l’école, etc. Déjà, c’est fort, nos neurones arrivent à imaginer, à se représenter quelque chose qui n’existe techniquement pas au moment où nous l’imaginons. Impressionnant non ?

Alors allez demander à une loutre de faire ça. Je vous parie un Balbuzard empaillé qu’en septembre votre enfant ne risque pas d’être inscrit à l’école. Et la loutre sera beaucoup moins mignonne avec un coup de latte dans le museau.

Mais pour atteindre ce but, le dossier dans notre exemple, il faut également se représenter les différentes séquences d’action à mettre en place pour atteindre l’objectif. Peut-être prendre une enveloppe, et donc un timbre. Et donc oui, le coller, refermer l’enveloppe. Et vous l’aurez compris avec notre exemple du café, nous ne pensons plus a cette multitude de petits gestes.

Mais votre cerveau, et ses 99 % de traitements inconscients s’en occupent pour vous. Ce qui est traité consciemment pour l’enfant, deviendra petit à petit automatique, pour qu’il puisse se concentrer sur des tâches de plus en plus complexes, reléguant les anciennes tâches aux processus automatiques.

Ne vous étonnez donc pas si votre enfant délaisse régulièrement des choses au fur et à mesure de son développement. C’est normal. Ce qui est intéressant est souvent la découverte, la résolution de problème pour un enfant.

Regardez un bébé qui ouvre un cadeau : le jouet est autant intéressant que la boite ! Une boite c’est passionnant, je vous assure.
Personnellement, étant enfant, les tetra-brick de tetra-pack m’ont fasciné pendant longtemps.
On peut être packaging-ophile et devenir quelqu’un de bien, croyez-moi.

Développement des habilités de planification

Sachez que cette capacité de planification émerge à l’âge préscolaire ou légèrement avant selon les études (Atance & O’Neill, 2001), mais plus intéressant, ces habiletés se développent d’autant plus que les actions effectuées sont menées en équipe avec un adulte (Freund, 1990). Oui, j’attire votre attention que ce Freund n’est pas le barbu bien connu mais un vrai chercheur.

Et ça se passe où Doc ? Pas dans les épaules ni dans ton genou gros malin, mais dans le cortex pré-frontal (encore lui ! On en parle aussi dans l’article sur la colère les copains) et les lobes frontaux. Bref c’est devant ta tête et ton front.

D’autre part, il ne faudrait pas penser que l’on planifie des tâches et que les choses s’enchainent facilement dans la tête de votre blond.

Et non, ces mécanismes cérébraux engagent d’autres processus tels que l’inhibition de réponses inappropriées et donc en lien, l’attention sélective !
Dit autrement, « muscler » cette capacité entraine votre enfant à être plus attentif, concentré et capable d’élaborer des plans d’actions de plus en plus complexes.

Je vous cache pas que si vous espérez en faire un ingénieur partant pour Mars, il va devoir étaler et anticiper 2 ou 3 actions s’il ne veut pas se poser sur un Bounty au lieu de Mars (merci Pido).

Ou plutôt 2 ou 3 millions d’actions je dirais. 

Je pense donc j’essuie

La Conclusion le Psy !

Il existe autant d’études scientifiques sur le sujet que de manières de muscler le cerveau de votre enfant sur certaines habilités cognitives.

À mon sens, vous pouvez tout tenter, tester.
Partez du principe que si c’est ludique et porté par un échange collaboratif (l’enfant participe aux prises de décisions dans le jeu ou la situation), vous remporterez haut la main la médaille du « bon parent ».
Alors, dans tout ce que vous entreprenez avec l’enfant, décomposez les actions, les tâches. Soyez didactiques, bienveillant dans les apprentissages (il n’y a pas que l’école et le café !), et progressivement, veillez à retirer votre aide à l’enfant, sur chacune des micro-tâches que vous avez identifiées.

À ce sujet, sachez qu’une étude à montré la puissance over mother fucker des mamans (vous êtes trop fortes) : toutes les habilités de régulation cognitives dont nous parlons ici sont bien plus renforcées si l’action est effectuée avec la mère qu’avec une personne tierce ayant le même niveau d’expertise.
En gros, toi maman, tu as un super pouvoir qui renforce ton fils encore mieux que personne alors que tu fais pareil que les autres.
La magie de la vie.

Ou alors c’est aussi grâce au lien d’attachement. Quoi qu’il en soit, c’est un peu trop cool les wonder-mums.

Bon je dois y aller, j’ai prévu de réaliser Notre-Dame de Paris en allumettes, je dois planifier certains trucs.
Vive les mamans, les papas et les enfants, versez du café par terre, et entrainez vos enfants à la serpillère !

Et si votre problème concerne plutôt le sommeil de votre enfant, n’oubliez pas d’aller jeter un oeil à mon guide et à ma thérapie en ligne ICI

Bye !

Références (oui, on se professionnalise)

  • Atance, C. M., & O’Neill, D. K. (2001). Planning in 3-year-olds : A reflection of the future self ? In C. Moore & K. Lemmon (Eds), The self in time : Developmental perspectives (pp. 121-140). Mahwah, NJ : Lawrence Erlbaum.
  • Bauer, P. J., Schwade, J. A., Wewerka, S. S., & Delaney, K. (1999). Planning ahead : Goal-directed problem solving by 2-year-olds. Developmental Psychology, 1321-1337.
  • Ellis, S., & Rogoff, B. (1982). The strategies and efficacy of child vs adult teachers. Child Development, 53, 730-735.
  • Ellis, S., & Rogoff, B. (1986). Problem solving in children’s managment of instruction. In E. Mueller & C. Cooper (Eds), Process and outcome in peer relationships (pp. 301-325). New York : Academic Press.
  • Freund, L. S. (1990). Maternal regulation of children’s problem solving behavior and its impact on children’s performance. Child Development, 61, 113-126.
  • Gauvain, M., & Rogoff, B. (1989). Collaborative problem-solving and children’s planning skills. Developmental Psychology, 24, 139-151.
  • Hudson, J. A., Shapiro, L. R., & Sosa, B. B. (1995). Planning in the real world : Preschool children’s scripts and plans for familiar events. Child Development, 66, 984-998.
  • Pratt, M., & Savoy-Levine, K. M. (1998). Contingent tutoring of long division skills in fourth and fifth graders : Experimental tests of some hypotheses about scaffolding. Journal of Applied Developmental Psychology, 19, 287-304.
  • Prevost, R. A., Bronson, M. B., & Casey, M. B. (1995). Planning processes in preschool children. Journal of Applied Developmental Psychology, 16, 505-527.
  • Radziszewska, B., & Rogoff, B. (1988). Influence of adult and peer collaborators on children’s planning skills. Developmental Psychology, 24, 840-848.
  • Radziszewska, B., & Rogoff, B. (1991). Children’s guided participation in planning imaginary errands with skilled adult or peer partners. Developmental Psychology, 27, 381-389.
  • Rogoff, B., & Gauvain, M. (1986). A method for the analysis of patterns illustrated with data on mother-child instructional interaction. In J. Valsiner (Ed.), The role of the individual subject in scientific psychology (pp. 261-290). New York : Plenum.
  • St-Laurent, D. & Moss, E. (2002). Le développement de la planification : influence d’une activité conjointe. Enfance, vol. 54(4), 341-361. doi:10.3917/enf.544.0341.
Cédric Daudon
Cédric Daudon
https://cedric-daudon.com/
Je suis Psychologue Cognitiviste spécialisé dans les phobies d'impulsions, les troubles anxieux, les relations toxiques et les problématiques liées à l'enfance. J'exerce en cabinet et par des thérapies en ligne, grâce à la thérapie Cognitive & Comportementale et à l'EMDR. Je suis également le fondateur des centres thérapeutiques & pluridisciplinaires "Sur un Nuage".

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