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Au secours ! Mon enfant est un menteur !

« C’est pas un mensonge, c’est le voisin qui a fait tomber l’assiette ! »

Prenez ce petit mensonge et répétez le des dizaines de fois par jour. Pour des petites bêtises, des actions dissimulées, des choses qu’il n’a pas faites, ou qu’il n’aurait pas du faire…systématiquement vous constatez que votre enfant est un gros menteur. Et un mytho en devenir.

L’espoir porté en l’avenir de votre enfant s’effondre et vous sombrez dans la folie, prenant rendez-vous chez votre psychiatre pour un traitement de choc à base d’anti dépresseurs, tout en lisant l’intégralité de Doctissimo. 

Oui, vous êtes bien dans la merde, et votre enfant est un menteur, maitrisant le mensonge comme personne.

Levez la main et dites « Je le jure »

Oui vous l’avez compris, moi aussi je peux mentir, comme vous, comme votre enfant.

Donc on raccroche avec le Psychiatre, on termine l’article et on verra si vous avez réellement besoin de prendre RDV chez un spécialiste, que ce soit pour vous ou pour lui.

En attendant décortiquons ensemble le principe même du mensonge et de la vérité.

C’est quoi mentir ?

Mentir, c’est cacher, dissimuler, ou transformer une réalité. Et comme tout comportement est dirigé vers un but, l’action de mentir sert généralement à plusieurs choses.

Citons en vrac que l’on ment parfois pour :

– S’arranger nous-même, ou améliorer notre situation.
Vous êtes donc un gros égoïste, et ne prenez pas en considération les autres. Non là j’exagère comme toujours. Mais quoi qu’il en soit c’est surtout pour éviter des galères, des discussions avec Madame, ou pour feinter le Fisc. À vous de voir ce qui est le moins risqué. Vous mentez pour obtenir plus, ou perdre moins. Aussi simple que la Bourse.

– Arranger les autres, ou atténuer une situation désagréable pour eux/elles.
La version empathique du mensonge, et cela permet aussi de pas avoir à se mouiller ou prendre la responsabilité de raconter la vérité. Et donc ça vous arrange bien, voir le point précédent bande de tartufes.

– Etre poli, ce qui est un bon mélange des deux points précédents.
« Oh oui bien sur que tu es magnifique ce matin ». Parfait pour ne pas la blesser, et vous éviter 12 heures de soupe à la grimace. Vous protégez son estime d’elle-même, et protégez votre capital sympathie. Bien vu l’aveugle.

Équipement nécessaire au mensonge

Oui, mais cela ne nous renseigne pas vraiment sur le mensonge chez les enfants. Et vous êtes ici pour ça, c’est vrai. Si je ne parle pas des enfants, autant renommer changer de métier que de rester Psy.

Déjà, il faut savoir que pour être en capacité de mentir, vous devez pouvoir avoir une information que l’autre n’a pas en sa possession. Et donc, merveille du développement humain, il faut posséder un processus appelé la « théorie de l’esprit ». Ce processus permet à l’enfant, ou à l’individu selon son âge, de considérer que l’autre n’a pas l’information que vous avez, car vous êtes capable de lui attribuer des pensées, des connaissances ou un savoir bien distinct du votre.

Nos copains du barreau maitrisent à merveille cette capacité, parfois sans le savoir. Votre collègue de travail aussi. Sauf que lui croit que vous ne savez pas. Il est juste con, finalement pas si menteur. Aimez le.

Tous menteurs !

Développement du mensonge chez l’enfant

Et chez nos chères têtes blondes alors, ça commence quand ?

Je n’irai pas par 4 chemins, ni par 12 car de toute façon peu importe le nombre vous n’en voulez qu’un.

Le mensonge, c’est pas avant 5 à 7 ans. Cela s’installe progressivement et vous ne le verrez pas du jour au lendemain vous raconter une bombasse d’histoire qui ne tient pas débout pour vous entourlouper. Impossible.

À partir de cet âge là, l’enfant commence doucement à comprendre et maitriser l’art du mensonge comme décrit plus haut. 

Soit pour s’arranger les faveurs de l’autre, soit pour éviter une sanction. Malin le singe.

Et plus jeune, pas de mensonge ?

Alors j’en voit déjà quitter les lieux en disant « n’importe quoi, mon fils ment déjà depuis ses 3 ans ». Oui voilà, voila. Comme pour les souvenirs avant 3 ans. J’y reviendrai dans l’article « Non, votre enfant n’est pas exceptionnel ».

Tout un programme dédié à l’optimisme.

Alors avant 5-7 ans, il fait quoi le marmot ?

Et bien, il vit dans un monde situé entre la réalité que l’essentiel de son hémisphère gauche traite, et un imaginaire surpuissant grâce à son hémisphère droit.

Pour comparaison plus explicite, entre la Vie et la Mort, il y a « Vivement Dimanche ». Ben votre enfant est là, entre le vrai et le pour-de-faux…sans les canapés rouges, tout dépend de votre intérieur.

Et honnêtement, entre réalité et imaginaire, il s’éclate. Le dragon qui a renversé son bol ce matin est trop cool et il existe vraiment. Alors pourquoi l’engueuler (voir « La Colère, l’émotion qui fait de vous des mauvais parents »), puisque pour lui c’est VRAI ?

Franchement je préférais être persuadé qu’une merveilleuse fée m’amène ma douloureuse de l’URSSAF, ça passerait nettement mieux plusieurs fois par an.

D’autre part pour un enfant dans ce processus, tout ce qui est dit est vrai, réel pour lui. Et inversement. S’il vous dit qu’il n’a pas vu Tata Micheline, c’est qu’il ne l’a pas vue. Ou bien il ne veut pas accepter la réalité de l’avoir vue. Vous me suivez ?

Si je suis enfant et que je relate quelque chose, alors ça existe dans mon référentiel d’enfant. Si je dis que non, alors pour cet enfant cela annihile la réalité.

C’est donc parfois pernicieux je l’avoue, de distinguer le vrai du faux, mais en général c’est drôle.

Mais parfois une réalité niée peut également cacher une triste situation. Votre enfant peut ainsi vous raconter qu’il n’y a pas eu de bagarres à l’école pour ainsi nier le fait qu’il se renvoie l’image d’un faible car il prend des coups injustement.
Impeccable pour une bonne estime de soi en devenir, n’est-il pas ?

Il y a bien d’autres cas également ou le mensonge peut cacher une souffrance. Je vous conseille d’êtres vigilant sur la nature du mensonge, et de sa réalité.

Petites bêtises, gros mensonges

Le confessionnal du mensonge

Je pourrai vous donner mille et un exemple de comment s’articulent ces petits récits mensongers, quand ils sont graves ou non.

Mais je suis un gros menteur aussi, et là, je n’ai clairement pas le temps d’écrire un roman sur le sujet, d’autres l’ont déjà fait en bien mieux. Je vous renvoie vers Amazon et par exemple le formidable petit ouvrage « Petits Silences, Petits Mensonges : Le jardin secret de l’enfant » de Dana Castro, bien mieux écrit que ce que je ne pourrais jamais faire.

Personnellement, je ne conseille pas les livres dédiés aux enfants qui traitent du mensonge, si bien réalisés soient-ils ! Et ils sont nombreux, et beaux, bien écrits, bien pensés.

Malheureusement, non je ne les conseille pas : hormis dans de rares cas rencontrés à mon cabinet, le mensonge est un processus normal où nous nous devons – nous parents – d’accompagner l’enfant vers une maitrise de ce dernier.

Nous mentons tous, du réveil au coucher, alors avant de faire de votre enfant un livre ouvert – avec toutes les problématiques que cela engendrerait si cela était possible – considérez ces mensonges comme des moments amusants de son développement.

Mais s’il vous dit que Papa-à-jeté-vos-bracelets-préférés-car-il-pensait-que-vous-alliez-le-quitter-parce-qu’un-copain-de-l’école-lui-à-dit-que-vous-discutiez-avec-un-collègue-à-vous, alors là oui, vous pouvez vous poser des questions.

Car dans ce cas il maitrise sacrément bien la théorie de l’esprit, et il a douze coups d’avance sur vous.

Ok c’est parti, vous pouvez flipper version film de Teenager.

Consultez vite, et dormez la porte de votre chambre fermée à clé.

Comment réagir face à mini-mytho ?

Dans le cas d’une « bêtise »

Comme évoqué plus haut : ne grondez pas. Distinguez le mensonge de la bêtise réelle par exemple. `

Le principe de la double peine n’a jamais aidé un enfant.

Le punir pour avoir menti d’avoir raconté que le frère avait fait tomber son bol, puis l’obliger à tout nettoyer, bof, on a vu mieux.

Super Nanny doit se retourner plusieurs fois si elle nous lit.

Non, accompagnez-le pour nettoyer, car cela arrive même à 42 ans de renverser son beau verre de vin à pied sur le canapé du salon. Et comme nous ne parlons pas de mensonge à proprement parler, ni de mensonge pathologique, vous pouvez peut-être passer l’éponge ?

Ok, pas pour lui, il n’y pas d’âge pour apprendre à passer la serpillère.

Dans le cas de l’imaginaire :
« MAMAN DEMAIN J’AVAIS ÉTÉ AU PARC ET UN GARÇON M’A VOLÉ MA CHAUSSURE…MAIS UN OISEAU ME L’A RAMENÉE ABIMÉE ».

Franchement, avec ou sans mensonge, votre enfant vous ramènera toujours ses chaussures démontées à la première sortie. Alors ne pleurez pas leur prix mais pleurez de rire son histoire ! Elle est franchement top cette histoire d’oiseau, non ?

Discutez avec lui tranquillement, poussez le à développer son récit, son imaginaire…que nombre d’institution feront décroitre plus tard à coups de manuels et de programmes dits « cerveaux gauches ».

Oui, je tape sur qui je veux, même sur les programmes de l’éducation nationale.

Donc laissez les développer leur hémisphère gauche à l’école, vous vous chargerez du droit.

Chacun son métier.

Bien évidemment, il ne s’agit de fonctionner quotidiennement sous ce mode là. N’en faites pas des « Big Fish » si vous avez vu le film. Dit autrement, jouez avec cette imagination, tout en signifiant à votre enfant que vous n’êtes pas totalement dupes.

Jouez le jeu, mais valorisez la vérité quand elle est dite. Toujours.

Parents mauvais Menteurs

N’oubliez pas que l’apprentissage du mensonge se fait aussi par vous, et pas que par les expériences de vie. Nous mentons toute la journée…vous pensiez que votre progéniture ne s’en apercevrait pas ?

Vous : « Je suis en voiture, je suis là dans 5 minutes »
Votre enfant : « Mais Maman, on est dans l’ascenseur et tu fait le bruit du vent dans le téléphone »

Vous : Ah et bien vous, vous êtes encore dans la merde. Désolé je n’y peux rien, vous vous les attirez.

Assumez, cela fera un bon exemple pour montrer à quel point dire la vérité est socialement valorisé.

La conclusion, le Psy !

Et bien pour une fois, non.

Pas de conclusion.
Juste une fausse vérité : il est 23h74 et j’ai bien envie de me relire l’intégrale de Freud et Lacan.

Bonne nuit les Sophistes !

Cédric Daudon
Cédric Daudon
https://cedric-daudon.com/
Je suis Psychologue Cognitiviste spécialisé dans les phobies d'impulsions, les troubles anxieux, les relations toxiques et les problématiques liées à l'enfance. J'exerce en cabinet et par des thérapies en ligne, grâce à la thérapie Cognitive & Comportementale et à l'EMDR. Je suis également le fondateur des centres thérapeutiques & pluridisciplinaires "Sur un Nuage".

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